« Pour se séparer ou divorcer : une médiation plutôt que la guerre»

Si vous saviez comme l’aube fut longue à venir, comme ce fut long d’attendre
que naisse un peu de lumière dans les ténèbres!”
Salvador ESPRIU, Les Chansons d’Ariadne
(1965)

Qu’est-ce que la médiation ?

La médiation est un processus structuré de concertation volontaire entre personnes, entre lesquelles il existe un différend. Le médiateur, personne neutre, indépendante et impartiale, crée les conditions nécessaires pour (r)établir et faciliter la communication et conduit les personnes à redéfinir leurs relations,  en  les  aidant  à  trouver  elles-mêmes  une  ou  plusieurs  solutions  respectueuses  de      l’ « écosystème » de chacun.

Avec la séparation, c’est tout un écosystème qui se distord. De nombreux paramètres peuvent être matière à discorde ou discussion : l’hébergement des enfants, la communication entre parents et/ou enfants, les résidences séparées, la pension alimentaire entre époux, la contribution pour l’enfant, le choix d’école, le rétablissement d’un lien entre parents et/ou grands-parents et enfants….

Mais, la médiation est avant tout un chemin de connaissance de soi, de l’autre et de la situation. Ce n’est pas dans la logique des faits que la médiation va trouver sa véritable réalisation mais plutôt, en accueillant tous types d’émotions, dans les différences de vécu et d’attentes ainsi que dans la compréhension des intérêts, des besoins, des croyances et des valeurs (loyauté, liberté, autonomie…) de chacun. La bataille des égos et des intérêts individuels cède la place au besoin fondamental de vérité, de respect et de liberté.

Le conflit divise, la médiation cherche à rétablir une unité. La vérité de chacun est relative. S’ouvrir au partage de la vérité, c’est accepter de quitter sa forteresse de convictions pour découvrir celle de l’autre. La relation peut alors se transformer.

Une histoire de médiation

J’aimerais vous partager un des nombreux parcours que j’ai vécu, en tant que médiatrice, avec Isabelle et Arnaud, qui m’ont fait confiance. Voici leur/notre histoire :

Après plus de 16 ans de vie commune, Isabelle et Arnaud décident de se séparer. Ils travaillent ensemble dans la même entreprise. Ils ne se séparent pas pour vivre avec une autre personne. La vie à deux leur est devenue insupportable. Ils sont propriétaires indivis de leur maison. Ils ont deux enfants âgés de 12 et 9 ans. Les grands-parents maternels gardent les enfants tous les mercredis après-midi et le samedi. Isabelle et Arnaud souhaitent tous deux rester vivre dans la maison et doivent trouver une solution. Isabelle est d’accord de céder ses parts dans l’entreprise familiale. Ils décident de recourir à mes services en qualité de médiatrice pour les aider à réfléchir et prendre des décisions dans leurs intérêts respectifs et ceux de leurs enfants. Il a fallu s’accorder sur : l’exercice de leurs responsabilités parentales vis-à-vis de leurs enfants ? qui est responsable de qui et quand ? le choix des résidences : à quelles conditions et quand partir ?

L’amélioration de la communication entre eux était également essentielle, pour eux et pour leurs enfants.

Après l’émergence de pistes de solutions, nous avons trouvé un accord et il a été validé par le juge. Deux ans plus tard, c’est avec beaucoup de compréhension pour chacun que j’ai réaccueilli Isabelle et Arnaud : ils avaient décidé de divorcer. J’ai alors rédigé les bases des conventions préalables au divorce par consentement mutuel.

Ils m’ont confié que médiation leur avait offert un espace tiers et neutre, qui leur a permis de reconstruire leur relation sur d’autres bases. Pour eux, le dialogue et la reconnaissance de leur souffrance ont été très importants. Chacun s’est senti existé. A la demande d’Isabelle et Arnaud, j’a rencontré leurs enfants et les ai accueilli dans cet espace. Toutes les questions financières ont été traitées. Un accord a été conclu et a pu être repris dans un jugement par un magistrat de la famille.

Quand recourir à la médiation familiale ?

À tout moment, avant, pendant ou après un  procès.  Néanmoins, le  recours  à  la  médiation  familiale portera mieux ses fruits s’il a lieu avant le procès et ce le plus en amont possible. Si des signes indiquent que la flamme n’est pas totalement éteinte, le/la médiateur/rice devrait le sentir et recommandera alors de consulter un/e thérapeute familial/e au préalable. La thérapie ne vise pas nécessairement à remettre les personnes ensemble mais à leur permettre de comprendre ce qui s’est joué dans cette relation.

Comment se déroule une médiation familiale ?’

La médiation est un processus structuré de concertation volontaire entre personnes, entre lesquelles il existe un différend. Le médiateur, personne neutre, indépendante et impartiale, crée les conditions nécessaires pour (r)établir et faciliter la communication et conduit les personnes à redéfinir leurs relations,  en  les  aidant  à  trouver  elles-mêmes  une  ou  plusieurs  solutions  respectueuses  de      l’ « écosystème » de chacun.

Avec mes collègues du Centre international de médiation et de formation OMA, nous nous engageons à respecter certaines règles fondamentales : la neutralité et l’écoute bienveillante, l’absence de jugement, l’ouverture d’un espace de parole volontaire.. Le médiateur n’est pas un arbitre, un négociateur, un conciliateur ou un thérapeute.

Concrètement, un premier contact téléphonique avec le.la.les médiateur.rice.s est pris. La demande est analysée, cela permet de savoir si le processus de médiation est adapté. Si la médiation est bien préconisée, les personnes prennent rendez-vous. Elles arrivent le plus souvent chez le.la médiateur.rice séparément, l’une et l’autre tendus, avec parfois une expression de désespoir, de réserve ou de colère contenue, prêtes souvent à défendre « bec et ongle » leur position.

Le couple se retrouve dans la salle d’attente et le.la médiateur.rice, ponctuel.le, les accueille et tente de créer un climat propice aux échanges ultérieurs.

Il.elle leur précise qu’il.elle n’est pas là pour dire qui a tort ou raison car chacun a sa vérité. Il.elle n’est pas là pour les juger ni décider à leur place. Il.elle est là pour qu’elles puissent créer un « pont et pas seulement les aider à franchir le gué. Concrètement, c’est avec une grande aptitude à communiquer et à comprendre les personnalités, avec ses compétences juridiques et avec beaucoup d’humilité et de rigueur qu’il.elle va les accompagner à construire leur future relation ou, à tout le moins, gérer leur séparation de manière juste et équitable. Il s’agit d’un travail d’équipe entre le.la médiateur.rice et les personnes, chacun dispose de ses propres compétences.

Le médiat.eur.rice informera le couple, avant la première séance ou dès la première séance, des règles du jeu, à savoir : le caractère volontaire du processus, la bonne foi, indispensable, le respect de la confidentialité dans les échanges, les règles de communication qui se doivent respectueuses envers chacun, le coût de la séance et éventuellement, l’information relative à la suspension des procédures judiciaires en cours. Il.elle leur remettra un protocole de médiation (entrée en médiation) qui résume ces règles, règles d’ailleurs consacrées par les lois des 21 février 2005 et 18 juin 2018 qu’elles seront invitées à signer.

Les premiers moments sont consacrés à l’expression de leur problème et leur ressenti. Une foule d’émotions peut jaillir et il faut veiller à l’équilibre des échanges, par exemple dans le temps de parole et le respect de l’autre.

C’est au médiat.eur.rice de faciliter le délicat commencement des échanges. Les informations nécessaires seront collectées et les points de vue de chacun clarifiés. Les points d’accord seront mis en évidence et les réels points de désaccord seront décryptés le plus possible. Aidé de sa qualité de tiers neutre, le médiat.eur.ice aura créé un climat de confiance propice aux discussions.

Après avoir dressé l’inventaire des questions à régler, les personnes rechercheront et ébaucheront avec les meilleures solutions possibles aux différends qui les opposent. Une phase de négociation dite « intégrative » intervient dès lors.

Après avoir vérifié les implications juridiques, fiscales et financières personnelles des décisions respectives, l’accord est rédigé par le/la médiateur/rice ou par les conseils présents dans le dispositif. Cet accord doit être murement réfléchi pour qu’il soit durable et respecté à la lettre par chacun. Ce sera l’aboutissement du processus et l’occasion d’un nouveau chemin pour chacun.

Au terme de la médiation, les personnes elles-mêmes ou leurs conseils peuvent faire homologuer par un Tribunal l’accord intervenu. Cela signifie que le juge prend acte du contenu de l’accord de médiation et le reprend dans un jugement.

En pratique ?

Les séances de médiation familiale durent entre 1h et 1h30 et se tiennent tous les 8 à 15 jours. Cela permet entre autres aux personnes de rassembler les informations utiles à la poursuite du travail. Les conseils, si sollicités au préalable, peuvent être présents pour rassurer les personnes. La plupart du temps, les séances se font hors de leur présence même s’ils peuvent être régulièrement informés et remplissent un précieux rôle, par exemple de dire le droit.

D’autres conflits de nature ethnique, familiale (enlèvements d’enfants, adoption…) demanderont la mise en place d’un dispositif plus complexe (par exemple séances de médiation sur trois jours) en raison de la barrière linguistique, des distances ou encore du temps. Tous les outils de communication et de visioconférence seront de précieux alliés notamment aussi parfois en raison de conditions sanitaires particulières (Covid-19) avec une impossibilité de voyager.

Les honoraires du/de la médiateur.rice sont généralement partagés de façon égale entre les personnes et sont exemptés de la TVA. Certaines assurances « défense en justice » en lien avec la RC familiale couvrent ce type d’intervention. Une demande d’assistance judiciaire pour recourir à un/e médiateur.rice familial.e peut être demandée auprès du greffe du tribunal, sous réserve de conditions de ressources et en dehors de toute procédure.

Conclusion

Vivre en humanité repose sur une qualité de relation : avec ceux qui nous sont proches mais aussi avec ceux qui nous sont « étrangers ». C’est un immense désir de vivre qui, à travers nos valeurs communes, nous réunit !

La médiation, même si elle a des effets thérapeutiques, n’est pas une thérapie. Elle implique les membres de la famille concernés dans le but régler entre eux l’aspect relationnel et la recherche de solutions concrètes à leurs problèmes.

Le recours à la médiation peut permettre, grâce à ce/tte tiers médiateur/rice, de transformer des dangers, manifestés par des peurs, en vraies opportunités de changement pour mieux se reconstruire.

Par Evelyne FOURNIER-MEISSIREL

Médiatrice familiale chez OMA (www.oma-mediation.com et evelyne@oma- mediation.com)

Psychothérapeute chez RE-UNIR et responsable de l’antenne belge de l’Ecole Européenne de Philosophies et psychothérapies appliquées – EEPA